Le développement de la Vallée Bras-du-Nord, l’espace VTT le plus fréquenté du Québec : Interview de Frédéric ASSELIN, directeur général.

La Vallée Bras du Nord au Québec est devenue en l’espace de quelques années la destination de VTT la plus fréquentée au Québec, devant les légendaires Mont Saint Anne ou Bromont. Même si le VTT (appelé vélo de montagne au Québec) n’est pas la seule activité de plein air que l’on peut pratiquer là-bas, elle s’est affirmée petit à petit comme l’activité N°1, toutes saisons confondues ! Nous avons découvert le site en 2009, et y avons effectué une mission en 2014 dans le cadre de son développement. Quelle est la recette de cette success story? Aujourd’hui, Frédéric Asselin, le directeur, répond nos questions !

Frédéric Asselin. Photo : Le Soleil

BikeSolutions: Pourquoi avoir développé le Vélo de Montagne à la Vallée Bras du Nord ?

Frédéric Asselin: Parce que, c’était fun…!!! Ici à St Raymond, il y avait un club de vélo très actif depuis les années 90, qui organisait des compétitions régionales et qui souhaitait programmer un raid d’une journée de MTB, comme cela s’était fait par le passé en Gaspésie. Le Club de vélo s’est donc associé au directeur de la chambre de commerce, Dominic, (passionné de MTB) et à Gilles, un journaliste spécialisé.
De mon côté, j’étais issu du monde de l’outdoor et j’étais spécialisé dans la randonnée pédestre. A l’époque, mes bureaux étaient, justement, à la chambre de commerce. C’est ainsi que Dominic, le Club de vélo et Gilles ont commencé à nous pousser à développer le vélo de montagne, car ils voyaient bien que nous en avions le potentiel.
Rapidement, nous sommes allés à East Burke (Kingdom Trails, aux USA). Nous avons eu le coup de foudre pour cette pratique, ainsi que la prétention de croire que l’on pouvait y arriver. C’est de là que l’aventure est partie. Nous nous sommes vite rendu compte que notre expertise des sentiers pédestres nous rendait capables de réaliser de belles pistes.
Nous avions déjà l’organisation, les savoir-faire, les moyens humains et  la diversité des activités pour soutenir financièrement un tel projet. Mais surtout, on a flashé sur le flow des sentiers à East Burke.
L’été 2006, on a réalisé une étude et un plan de développement pour la vallée Bras du Nord que l’on a présentée au CA. L’année suivante, on a commencé à aménager le premier sentier vélo tout en terminant la dernière boucle pédestre. Mais c’est à partir de 2008 que les choses se sont vraiment accélérées.

La piste Neilson est probablement l’une des plus belles d’Amérique du Nord Est. Rien que ça. Par contre attention, il faut un sérieux bagage technique pour s’y faire plaisir.

BS: Comment est-ce que vous vous y êtes pris dans les premières années ?

FA: L’enthousiasme qui entourait l’idée de développer MTB  a facilité les démarches pour trouver des fonds complémentaires. Nous avons donc réussi à financer les matériaux, les machines, la signalisation, les chefs d’équipe. Pour la main d’œuvre, on a travaillé avec des jeunes en réinsertion, ce qui a demandé un suivi quotidien.
Au départ,  bien sûr, on a fait des erreurs. Petit à petit, on est monté en compétence. Chaque année, on s’améliorait, on allait voir ailleurs ce qui se passait. J’ai réalisé qu’il y avait encore beaucoup à apprendre sur l’aménagement de sentiers. On s’est donc formé et on a introduit des nouveaux outils dans notre fonctionnement. C’est à ce moment qu’on a commencé à viser l’excellence et que l’on en a fait l’une de nos valeurs. Depuis on recherche toujours à s’améliorer. Parallèlement, on a mis l’accent sur l’écoute des retours des pratiquants. J’ai appris suite à cela qu’il faut toujours aller voir ce qui se fait de bien ailleurs.

BS: Combien avez-vous de visiteurs par an maintenant ? D’où provient cette clientèle ?

FA: Avec nos 25000 journées vendues, on pense être le 1er site de VTT le plus fréquenté du Québec ainsi que celui qui dispose du plus grand nombre de km de Single Track.

Bienvenue à l’accueil Shanahan, l’un des deux départs de sentiers.

BS: Du point de vue économique, l’activité Vélo de Montagne apporte t’elle des retombées économiques intéressantes ?

FA: Les revenus sont générés principalement par les droits d’accès vendus.
L’an passé, les ventes de pass annuel ont augmenté de 38%, soit 800/900 détenteurs de pass annuel. Ces gens la viennent et reviennent et donc consomment localement.
Il faut savoir que nous avons la chance d’être une vraie destination touristique. La vallée est propice aux séjours d’un jour comme aux séjours d’une semaine. Il y a beaucoup de nuitées qui sont vendues ici. De plus, le bike shop qui s’est installé il y a deux ans n’aurait jamais été implanté ici.
L’hôtel Roquemont, s’est transformé en micro-brasserie/restaurant pour répondre aux attentes de la clientèle MTB et cela fonctionne très bien.
Il y a de nombreux projets de construction de chalet en cours pour plusieurs millions de $.
On reçoit de plus en plus de témoignages de résidents  qui viennent s’établir dans la région pour profiter de la qualité de vie et des sentiers.
On m’a aussi dit que le Club de vélo local se développe grandement : cette année, ils ne peuvent pas recevoir tous les groupes tellement la demande augmente…
Plusieurs autres commerces de vélo ont ouvert ainsi que des restaurants à Saint Raymond.
Le fait d’avoir développé deux sites nous a permis de désengorger l’un des deux. Ils sont différents en matière de paysages, l’un est plus proche de la ville possède plus de services l’autre est plus sauvage, et propose de longues randonnées. Ils sont complémentaires.

BS: En 2014 vous avez fait appel à BikeSolutions pour vous aider, pourquoi ?

FA : Voyant la progression des chiffres depuis 2008, on s’est dit qu’il y avait une part de marché plus grande à aller chercher. Nous voulions lancer un nouveau plan de développement pour faire de nous une vraie destination de MTB et se positionner au sein des leaders du MTB dans l’est de l’Amérique.
Dans cette optique, nous avions besoin des meilleures expertises, dont la vôtre. On savait que vous pouviez nous apporter un regard nouveau, un retour objectif sur le projet et une vision européenne. Nous avions en tête d’aller chercher cette clientèle européenne francophone très présente au Québec, et on savait que vous pouviez nous y aider.

 

BS: Quels sont les points sur lesquels BikeSolutions avons pu réellement apporter de la valeur ajoutée ?

FA: Vous nous avez amené une vision particulière de l’esthétisme, de la beauté de sentiers et des aménagements en général. Maudit c’est vraiment beau ce que vous faites! Vous nous avez beaucoup inspiré sur cet aspect. À cela s’ajoute votre vision long terme qui nous a amené à réfléchir à des aspects pratico-pratiques au service de l’expérience des pratiquants. Notre espace n’était pas compatible avec une évolution notable de la fréquentation sans que ça ne créé de gros problèmes : un aspect important de votre apport ici a été la proposition de solutions concrètes sur gestion de ces risques avec la signalétique, mais surtout la gestion des flux de circulation. Mais vous aviez aussi conscience que vous n’alliez pas non plus changer le monde ici.

BS: Donc on n’est pas venus pour rien ? 🙂

FA: AHAH non vraiment pas !

Tous ces sentiers en bord de rivière constituent sans doute une des marques de fabrique de la Vallée Bras du Nord. Et c’est superbe !

BS: Quelles sont les 2 ou 3 difficultés majeures qui ont freiné le développement ?

FA: Je dirai que c’est avant tout l’aspect financier. Pour trouver de l’argent, il faut convaincre les gens de la réussite du projet et des futures retombées économiques. Il nous fallait générer suffisamment de revenus pour être autonome et pouvoir entretenir les pistes que nous tracions. On a réussi à surmonter cette difficulté, mais cela reste toujours un défi. Un autre point a été d’obtenir l’adhésion de la communauté concernant le volet MTB du plan de développement. Il me semble que c’est vraiment depuis 2015 qu’à St Raymond, on est devenu une ville de vélo de montagne. L’adhésion des gens s’est faite au fil du temps.

BS: Inversement, sur quelles forces importantes as-tu pu compter pendant ce développement ?

FA: J’ai l’habitude de dire que nous avons 3 forces dans la vallée Bras du Nord
La première, c’est que c’est beau ! La beauté du paysage et sa diversité sont une vraie force ! On trouve ici des champs, des rivières, des zones forestières, des criques, des falaises…
La deuxième, c’est la localisation : Nous sommes proches des grands marchés que sont la région de Québec et de Trois-Rivières, ainsi que le bassin de Montréal. On est donc à moins de 3 ou 4 heures de route de la quasi-totalité de la population du Québec. C’est un réel avantage.
Notre dernière force, c’est l’humain : l’équipe, sa passion, son organisation, sa motivation, et sa capacité à se remettre en question. Chez nous, on gère les forces, on mise sur les talents des personnes de l’équipe. Quand je dis l’équipe, je parle aussi de ceux qui nous entourent : le conseil d’administration, la coopérative, ses membres, les partenaires, les entreprises…

BS: Es tu confiant dans l’avenir concernant le vélo de montagne à la Vallée Bras du Nord ?

FA: Oui, je suis très confiant, pour moi le MTB, c’est une activité très complète qui se pratique à tous les âges, qui nous fait découvrir de multiples paysages et qui fédère des groupes. Ce qui me rend vraiment confiant, c’est que le développement de l’activité MTB se fait par des experts. Les sentiers s’améliorent ainsi que les techniques, le matériel, l’accessibilité et les vélos sont de plus en plus confortables. Ce qui permet aux gens qui font du MTB pour la première fois à prendre vraiment du plaisir.
J’observe aussi une vraie dynamique locale : nous nous sommes associé au le Mont St Anne, aux Sentiers du Moulin et à la ville de Québec pour offrir une expérience MTB /Visite de la ville de Québec aux touristes. L’office du tourisme nous a soutenus financièrement et d’autres actions se mettent progressivement en place.

BS: Que conseillerais tu à une destination touristique qui souhaite se lancer dans ce genre d’aventure avec le Vélo de Montagne ?

FA: Je leur dirai qu’il faut aller voir ce qui se fait ailleurs, c’est essentiel de ne pas rester focalisé sur soi. Et aussi qu’il ne faut pas lâcher face aux épreuves, comme pour n’importe quelle entreprise. Il est aussi important de s’associer à des experts pour être guidé au mieux, pour être entouré. Un dernier point est de se questionner sur le potentiel du projet et de sa réelle portée.
Merci !
PS : içi un petit flashback notre mission là bas.